Mixité sociale
Mais la mixité, si elle est fonctionnelle, n’est pas sociale : il faut compter environ 500 000 € pour s’offrir les 120 m2 des maisons passives !
Le coût élevé du foncier - de 4000 à 5000 € le m2 - a plusieurs explications. Tout d’abord, les terrains étaient tellement pollués que la ville de Fribourg a dû enlever jusqu’à 350 mètres de profondeur. D’autre part, le phénomène de gentrification contribue également à la hausse des prix.
Il faut généralement 9 mois pour vendre une maison dans le quartier. Le taux de 20% de logement social est toutefois respecté, mais comme nous l’a confié le guide lui même, beaucoup d’efforts restent à faire en la matière, car ces logements sociaux se trouvent à la périphérie du quartier. Ils abritent les seuls Turcs du quartier.
N’importe qui ne peut donc pas vivre dans le quartier Vauban : la mixité s’opère à une échelle très restreinte.
Il faut noter en outre la présence d’un espace « squatté » par des membres de l’Intersquat. Ils semblent avoir très peu de liens avec le reste du quartier – « ils n’acceptent pas notre vie de tous les jours… » - mais ils sont tolérés dans le quartier à cause du geste que représente l’occupation pour ses habitants - « comme nous, il y a 40 ans… ».
Cependant, leur « déplacement » est bientôt prévu, puisque la ville de Fribourg leur donne un autre terrain, à 1 km de la ville. Le principal reproche que leur adresse le guide est qu’ « ils ne sont pas tellement écolo », propos qui m’a surprise, puisque les tracts affichés à l’entrée du squat présentaient au contraire des réflexions sur l’écologisme comme mode de vie autogestionnaire. Affrontements de différents écologismes ?
Il est intéressant de souligner aussi qu’il n’y a pas de lieu de culte mais seulement un bureau pour les catholiques, un pour les protestants.
Un quartier autogéré ?
Dès le début de l’initiative Vauban, les habitants voulaient gérer les intérêts propres aux personnes du quartier. Ainsi, ceux qui s’occupaient de fêtes, du marché bio… étaient élus par les habitants du quartier.
Régulièrement, de grandes réunions sont organisées entre les propriétaires. La mixité sociale se pose d’ailleurs en terme de problème à ces occasions : pour certains, si les propriétaires n’étaient pas homogènes socialement, cela serait très difficile de discuter.
Pourtant, les habitants ne revendiquent en aucun cas l’autogestion du quartier. Les limites de diverses propriétés sont en ce sens intéressantes à étudier, notamment en ce qui concerne la gestion des espaces communs.
Les arbres entre les maisons sont plantés par la ville, les espaces verts sont entretenus par la ville, alors que les habitants en sont les seuls utilisateurs. Les habitants sont également propriétaires des haies et des pelouses sur lesquelles sont plantées ces arbres. De la même manière, la ville s’occupe de la voirie : elle a d’ailleurs mis du goudron (au grand dam des habitants du quartier) pour des raisons de coût.
Le régime foncier dominant est celui de la copropriété, qui rassemble souvent des amis ayant construit ensemble. La plus grande copropriété de Vauban concerne ainsi 100 personnes. La plupart des copropriétés se sont ensuite cherchées elles-mêmes leurs architectes.
L’avantage d’une telle organisation foncière, est qu’il n’y a pas de coûts intermédiaires (banques) ou de coûts publicitaires, que les copropriétaires paient jusqu’à 5% moins d’impôts, et qu’ils font des économies sur les matériaux, puisqu’ils achètent en gros. Mais ces formes d’organisation sont parfois difficiles à gérer, notamment parce que les parties en présence ne s’entendent pas toujours très bien. Un nouveau métier de coordinateur entre les habitants et les architectes a d’ailleurs vu le jour. En outre, la rencontre entre les habitants prend beaucoup de temps.
Photo ci-contre (cliquer pour agrandir) : Copropriété dans maison écologique
Tout cela crée des rapports ambigus avec le reste de la ville : les habitants demandent de l’argent à la mairie pour continuer les expérimentations et pour trouver des solutions applicables au reste de la ville (notamment rendre des maisons anciennes plus écologiques).
Cependant, ils restent quand même un îlot privilégié : la conception qu’ils développent du patrimoine constitué par les maisons écologiques est un exemple de la conception bourgeoise du patrimoine. Le guide nous a d’ailleurs affirmé que la critique élitiste faite par d’autres habitants de Fribourg était tout à fait acceptée par les habitants de l’éco-quartier.
Le quartier Vauban est un espace pratiquement totalement ouvert. Comme dans le reste de l’Allemagne, les maisons ne sont pas séparées par des grillages, il y a très peu de volets, pas de rideaux. Le guide justifiait cela par le fait que personne n’a rien à cacher : « si on met une grille, c’est louche, alors ça attire ».
Pourtant, les habitants semblent être très attentifs à garder de la place pour les jeunes, des endroits « où ils peuvent se retrouver sans qu’on ne les voit, et des lieux où ils puissent faire ce dont ils ont envie. On sait qu’ils boivent de temps en temps des bières au garage ou au parking ». Tout le monde peut venir dans le quartier, notamment les enfants d’autres quartiers.