Il apparaît donc à l’issue de cette visite que le quartier Vauban est très performant au niveau environnemental, mais beaucoup moins au niveau social. En effet, la construction de bâtiments peu consommateurs d’énergie engagent des coûts supplémentaires importants, supportés par les propriétaires des habitations qui les construisent souvent eux-mêmes.
Ainsi, l’échelle à laquelle les habitants portent le plus d’attention est bien l’échelle de l’habitation, puisque la mobilité fonctionnelle par exemple n’est réellement effective qu’à cette échelle là : les habitants de Vauban travaillent par exemple tous à l’extérieur du quartier (parfois très loin de Fribourg). Les activités commerciales et les transports de portée locales sont en revanche regroupées autour de l’allée centrale.
Malgré son ouverture, le lien du quartier avec le reste de la ville est problématique, tant au niveau de la mixité fonctionnelle que sociale. En effet, d’une part, le quartier Vauban dépend fortement du reste de la ville en terme d’activités, alors que les habitants cherchent à avoir le moins de liens possibles avec la ville en terme de gouvernance politique. Le quartier est composé en majorité de professions libérales, de cadres supérieurs, de professions intellectuelles supérieures. Toutefois, ce profil socio-économique correspond au reste de la ville, majoritairement composée de cadres supérieurs et de professions libérales. Il y est cependant un peu plus marqué.
L’homogénéité sociale pose d’autant plus problème au quartier Vauban qu’elle est parfois présentée comme l’une des conditions de fonctionnement du quartier. En effet, il est bien plus facile de prendre certaines décisions, de mettre en place certaines institutions, de faire certains choix, lorsque les « habitus », entendus comme « système de dispositions durables et transposables, structures structurées disposées à fonctionner comme structures structurantes, c’est-à-dire en tant que principe générateurs et organisateurs de pratiques et de représentations qui peuvent être objectivement adaptées à leur but sans supposer la visée consciente de fins et la maîtrise expresse des opérations nécessaires pour les atteindre » (Bourdieu, 1980, p. 88-89), sont concordants.
À l’échelle locale, la vie en communauté telle qu’elle existe dans l’éco-quartier Vauban est très marquée socialement : la mixité socio-raciale est donc un échec pour le quartier, reconnu d’ailleurs par les habitants.
Cela pose la question de la mixité à un niveau plus général de la ville : l’éco-quartier peut alors être un outil intéressant de réflexion sur l’organisation urbaine. La mixité sociale, qui a constitué le fer de lance des politiques publiques pendant de nombreuses années ne va pas de soi. Surtout, il ne suffit pas d’installer des gens d’origine sociale diverse côte à côte, pour obtenir une véritable mixité sociale.
Enfin l’étude attentive de l’éco-quartier Vauban nous permet également de nous interroger sur la privatisation de l’espace public. Car si le quartier semble très ouvert, les barrières symboliques qui empêchent d’entrer dans ce quartier sont nombreuses. Comment dès lors, défendre des projets portés par des groupes privés de personnes qui influent sur l’urbanisme de la ville, qui obtiennent des financements de la municipalité, pour maintenir une zone d’entre-soi ? La ville durable est aussi une city of quartz (Davis, 2003), qui pose de nouveau la question du faire société en ville.